CRISTOF DÈNMONT

Station 281219 (détail), 2019. Huile sur toile, 120 cm x 120 cm.

(+262) 6 92 27 88 82
cristofdenmont@gmail.com
Galeries

Opus Art Reunion Island, Galerie Aedaen (Strasbourg)

Le travail de Cristof Dènmont ressemble à un reflet farceur de la peinture figurative et abstraite. Les contrastes et les aplats
de couleurs indiquent de façon sommaire la profondeur de champ tandis que les éléments qui composent le paysage
semblent nous regarder avec le flegme vaporeux de ceux qui n’ont plus rien à prouver. Cet efet de suspension et l’humour
qui s’en dégage donnent la sensation d’évoluer dans l’œuvre comme dans un jeu de plateaux. Le spectateur peut avoir
l’impression d’atterrir sur une planète où les grandes figures de la vie terrestre cohabitent de façon aussi surprenante, voire
déroutante, que les clichés des cartes postales promettant de « bons baisers des tropiques ». Pourtant, derrière ces apparents
raccourcis symboliques, se cachent une connaissance étendue de la peinture dont l’artiste pirate les codes et une réflexion
piquante sur ce que l’humain considère comme lui étant proche ou étranger. Et d’un même geste, l’artiste soulève la
question de l’appartenance et de l’appropriation des territoires et des concepts.
Marie Birot, 2020.

« J’accumule des traces, je dépose de la matière (…) au fur et à mesure ces traces deviennent des signes… »


La peinture de Cristof Dènmont s’intéresse à un inconscient collectif et à un imaginaire de l’insularité. Composites, ses toiles
donnent à voir certains types de motifs ou d’écritures qui sont autant de citations renvoyant à l’histoire de l’art et à la
représentation en peinture.

Jouant avec les codes d’une hypothétique « peinture exotique », il inclut des éléments stéréotypés dans des compositions au ton parfois expressionniste. Ananas, palmiers, volcans, saucisses ou paraboles peuplent alors plus particulièrement les premières séries Homo Insularis (2006-2012) et Saadiyat, l’île du bonheur (2008, 2009).


Se référant aussi bien aux codes de la figuration que de l’abstraction, ses tableaux se composent peu à peu en plateaux et échappent aux principes de la perspective, en assumant les « formes plates » et le traitement de la profondeur par la couleur
et les textures. Avec les séries Plateformes (2013-2014), puis Archipel Vertical (2014-2016), l’artiste introduit l’idée d’archipel à son champ de recherche et aborde peu à peu le paysage comme une sorte de cartographie sensible.

La peinture devient pour lui un espace intermédiaire : « Le processus pour arriver au paysage est indissociable du paysage lui-même » dit-il, rendant lisible en surface le cheminement du geste et de la pensée comme la quête d’un point d’équilibre. L’œil navigue

alors entre l’espace physique de la toile et celui que suggère le paysage, au sein duquel les figures apparaissent comme en
suspens.

Parmi ses leitmotivs, Cristof Dènmont utilise l’image de la pieuvre comme métaphore pour parler du dessin, de la ligne, du réseau. Partant d’un noyau à partir duquel se déploient diférents axes, les directions dérivent pour finalement venir se ramifier.

C’est aussi l’idée de rhizome, chère à Deleuze et Guattari (dans Mille Plateaux) et reprise par Edouard Glissant dans sa pensée archipélique. Des îlots se forment ainsi entre les structures, dans des jeux d’éclatements et de glissements du fond à la forme, faisant état de passages entre la spontanéité du geste et les procédés techniques de superpositions, de répétitions, d’agglomérations et d’effacements.

L’espace se stratifie et le temps s’allonge enfin dans la série Purgatoire (2016-2020). Dans ces peintures, les éléments picturaux s’isolent, flottent ou se rencontrent jusqu’à créer un embryon de formes, de figures, d’architectures.

Les toiles révèlent ainsi des stigmates en surface, s’évaporant parfois sous les repentirs. Elles s’élaborent par « stations », comme un écho au religieux – également prégnant dans la culture créole – le purgatoire évoquant ce point d’étape, cet « entre-deux ».

« J’accumule des traces, je dépose de la matière en proportion différente, au fur et à mesure ces traces deviennent des signes et le principe de « paréidolie » (où le cerveau reconnaît des formes anthropomorphes ou zoomorphes dans l’informel) guide en partie la composition des tableaux ».


La peinture de Cristof Dènmont, par le prisme de la toile comme surface de projection intuitive d’une île et de son imaginaire, nous invite ainsi à reconstituer par le biais d’indices visuels le sens, l’image ou l’histoire qu’elle contient.

Leïla Quillacq, 2020.

PIÈCES À CONVICTION