Vous déployez des formes culturelles comoriennes, le gungu la mcezo et le dhikri, dans des cadres non traditionnels : la scène de théâtre, le « happening », notamment. Qu’est ce que cela implique pour vous ?
Vous confondez, peut-être, deux pratiques dans mon théâtre. Le gungu la mceco est une performance artistique, prolongeant une tradition de justice populaire, dans un langage en apparence inédit. La déclinaison – la mcezo – vient préciser cette démarche, en l’inscrivant dans des pratiques actuelles, en rapport avec le spectacle vivant. Pour le dhikri, je ne dirais pas que j’en fais dans ma vie de tous les jours. Je ne suis pas initié en matière de pratiques confrériques, bien que cette culture soit très présente dans ma famille. Disons que je me contente d’en tirer des formes, au niveau de mon écriture et de ma vision du monde.. Dans les deux cas, on pourrait se demander où se situent les limites du processus de réactualisation que j’entreprends face au legs et où agit le principe de résilience qui en résulte. Dans l’ensemble, je cherche à me réapproprier les instruments d’un vécu commun, appartenant au paysage et à la mémoire de l’archipel, et à en faire un instrument de ma relation au monde. Je ne vois rien de surprenant à se revendiquer du legs ou à vouloir l’assumer dans sa création. Ce qui peut être intéressant, c’est de voir comment la modernité vient habiter ce qui semblait jusque-là figé à beaucoup de mes compatriotes. Comment les principes du « happening », édictés depuis l’Amérique des années 1960, vont, par exemple, se retrouver dans le gungu, tel que les Anciens l’ont pratiqué par le passé. Cela questionne le legs, sachant que nos grilles de lecture actuelles, bien souvent, se sont forgées dans un malentendu permanent avec le monde occidental. Un malentendu d’essence coloniale, qui, souvent, vient évacuer tous les autres possibles.